samedi 4 février 2017

Sexe : Le point H - Zone tabou ?

 
Tout le monde a entendu parler du point G féminin, moins du point H masculin. La faute aux hétéros qui pensent que le plaisir anal est forcément une pratique homosexuelle. Du coup, quand il s’agit de décrocher la lune, la médecine a bon dos. Dans l’alphabet du Kama Sutra, il y a d’abord les femmes et leur point G. Cette zone qui serait située dans le vagin et qui provoquerait, depuis qu’une bonne âme masculine l’a nommée, autant de polémiques que d’ouvrages spécialisés... et éventuellement, quelques orgasmes. Pour les hommes, même si on en parle moins, l’alphabet ne s’arrête pas à la lettre G. Car en ce qui les concerne, on évoque le point H. H comme homme ou H comme hot, on ne sait pas trop, toujours est-il que cette zone située près de la prostate est sensée faire grimper ces messieurs aux rideaux.

Bref flash back. Il y a quatre ans, quelques accessoires visant à stimuler le point H apparaissent sur le marché et atterrissent, entre autres, chez Alain Métrailler, propriétaire d'un sex-shop, le " 7e ciel ". Lui qui travaille depuis des années dans divers milieux coquins ne devrait plus être étonné de rien. Il avoue cependant sa " surprise " en constatant que huit clients sur dix venus se procurer le précieux accessoire sont hétérosexuels.

Comment expliquer leur engouement pour un objet destiné à la pénétration anale ? " Il faut croire qu’une lumière s’est allumée chez les hétéros ! " glisse malicieusement Alain Métrailler. Quoi qu’il en soit et loin des " vagins en plastique et des poupées gonflables qui sont franchement un peu cracra ", ces toys attirent une clientèle d’hommes âgés de trente à soixante ans, aussi à l’aise avec leur corps qu’avec leurs envies. " Une fois dans mon magasin, ils n’y vont pas par quatre chemins : c’est le stimulateur prostatique qu’ils veulent. Rien d’autre ", souligne-t-il. Rien d’autre, surtout pas des godemichés et autre plugs ( un accessoire destiné à rester dans l’anus, ndlr ) qu’ils assimilent à une pratique homosexuelle. " Et à l’inverse, aucun gay ne m’achète de stimulateurs de la prostate ". Décidément, il y a des barrières infranchissables.

Virilité en question : " Quel que soit le toy, le fait de s’adonner à des pratiques que l’on imagine réservées aux gays exige " d’être bien avec soi-même et sûr de sa virilité ", précise Catherine Solano, sexologue. " Un homme qui se fait pénétrer à cet endroit par sa partenaire explore le côté féminin de sa personne. Cela demande une certaine confiance en soi ". Il faut aussi pouvoir différencier cette pratique d’une possible orientation homosexuelle. Brigitte Lahaie, ancienne star du porno, qui anime une émission de radio traitant de sexe et d’amour, note qu’il est " grand temps que les hommes sachent qu’il y a mille façons de jouir ". Mais pour Alain Métrailler, plus qu’une soudaine libération des moeurs, ce sont les changements dans le discours dominant qui permettent à certains hétérosexuels de franchir le pas.

" On parle beaucoup des problèmes de prostate dans le milieu de la prévention médicale. Certains ont sûrement l’impression de faire quelque chose de bien pour leur santé lorsqu’ils s’en occupent. Et les toys s’appellent des stimulateurs de prostate et non des godemichés, ce qui fait croire qu’il ne s’agit pas vraiment de sodomie ". La sexologue Catherine Solano ajoute à ce propos que " si on disait aux femmes, qui n’aiment pas la sodomie, qu’il s’agit en fait de stimuler la partie postérieure du vagin, elles verraient peut-être cela d’un autre oeil ! "...

Exemples pratiques : Pour sa part Dorothea Schaab n’a peur ni des mots, ni des actes. Car cette belle femme blonde aux yeux gris est masseuse tantrique, un métier qui incarne à ses yeux " l’art de considérer le corps comme un tout dans lequel tout est beau ". Tout, " même la zone anale qui a si mauvaise réputation ". Elle explique qu’elle a été formée à l’institut Dakini à Stuttgart et reçoit à Genève " des hommes qui veulent passer un moment hors du temps ". Elle montre son cabinet, dans lequel elle a aménagé un endroit sensuel : matelas chauffant par terre, tableaux de nus aux murs et ce parfum d’alcôve qui détend immédiatement. " Les rapports sexuels ne font pas partie du service " précise-t-elle. La sensualité et l’érotisme, en revanche, ne sont pas négligés : comme son client, elle est nue la majeure partie de la séance, c’est-à-dire deux heures et demie en moyenne. " Il faut du temps pour que la personne que je masse découvre quelque chose d’elle-même, de son corps et de son âme ", dit Dorothea Schaab.

Rituel indispensable : Pour déconnecter de la vie quotidienne, de ses aléas et de ses stress, tout un rituel est ainsi mis en place: il permet de " créer un espace où on peut se laisser aller " précise la masseuse. Elle demande toujours à son client de prendre une douche, avant que tous deux enfilent des sarongs, des habits traditionnels thaïlandais, pour commencer la séance. Pendant une demi-heure, elle effleure, passe en revue, encore et encore, ce corps qu’elle détend, dont elle " connecte chaque partie ". Puis tous deux se lèvent et la masseuse prononce une prière. " Je parle à mon client pour lui dire que son corps est le temple de son âme, qu’il est sacré et que rien n’est honteux " dit-elle. Rien, pas même la zone anale qu’elle masse et pénètre avec un gant, quand le client " est ok avec ça ".

Dorothea Schaab se dit consciente du fait que " c’est la partie féminine d’un individu qui s’exprime là ; ce n’est pas facile pour tout le monde ". D’ailleurs, ses clients sont des gens qui, dit-elle, " cherchent autre chose qu’un simple rapport sexuel ; ils sont âgés pour la plupart de quarante à soixante ans et n’ont pas peur de découvrir des choses sur eux-mêmes ". Alors, pour elle, toute cette affaire de stimulation de la prostate ne révèle en définitive qu’une chose : " Nous vivons dans un monde où l’exploration individuelle de la sexualité est possible. Cette quête ne devrait connaître aucun tabou ". Ce n’est pas gagné. Car la gêne ou le rejet qui entoure cette pratique révèle la manière dont les hommes, " les vrais ", se représentent leur virilité. Et notre société libérale impose en réalité des normes strictes qui n’ont pas fini d’entraver la sexualité des uns et des autres.

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